Histoire




Le château est édifié dans le lit du Cher, sur les piles d'un moulin fortifié et du château fort racheté à la famille des Marques. Celui-ci fut rasé, à l'exception du donjon (la tour des Marques, qui sera adaptée au style renaissance) et du puits qui le jouxte. Il fut bâti par Thomas Bohier, le secrétaire général des finances du roi François 1er. Le corps de logis carré qui constitue le château originel fut construit entre 1513 et 1521. Bohier étant occupé par la guerre, c'est surtout sa femme, Katherine Briçonnet, une tourangelle appartenant à une famille de grands financiers qui dirigea les travaux et fait les choix architecturaux. C'est ainsi que, pour la première fois, les pièces sont réparties de chaque côté d'un vestibule central, ce qui facilite grandement le service. De même pour cette autre nouveauté de Chenonceau: l'escalier en rampe droite, plus pratique et mieux adapté aux réceptions que l'escalier à vis. Bohier meurt en 1524 et Katherine deux ans après.


Bohier était receveur des finances puis intendant général des Finances de Charles VIII, Louis XII, puis de François ler et avait pour devise : « S'il vient à point m'en souviendra ».
À la mort de Thomas Bohier, un audit des finances mit en évidence des malversations, ce qui permit à François Ier d'imposer une forte amende à ses descendants et de récupérer le domaine et le château en 1535. Il sera offert par Henri II à sa célèbre favorite Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois. Elle fit aménager sur la rive droite du Cher, par Pacello da Mercoliano, le jardin qui porte encore son nom ; elle confia par ailleurs à son architecte ordinaire, Philibert de l'Orme, le soin de construire un pont reliant le château de Bohier à la rive gauche de la rivière afin d'y implanter de nouveaux jardins et d'accéder à de plus grandes chasses. Ce pont faisait partie des plans originels de Thomas Bohier.

À la disparition de Henri II, mortellement blessé lors d'un tournoi en 1559 par le capitaine de sa garde écossaise Gabriel Ier de Montgomery, Catherine de Médicis, devenue Régente, contraignit Diane de Poitiers, sa rivale dans le cœur du roi, à restituer Chenonceau à la Couronne. En échange de quoi, elle cède à Diane le château de Chaumont-sur-Loire, à quelques kilomètres de là. En tant que Reine mère, après les accessions successives au trône de ses fils, François II, Charles IX et Henri III, Catherine de Médicis fit édifier sur le Pont de Diane la splendide galerie, achevant ainsi de donner à Chenonceau le style que l'on admire aujourd'hui.

Après la visite de Louis XIV le 14 juillet 1650, une pièce fut baptisée Salon Louis XIV. L'histoire du château est marquée par les femmes qui en furent les propriétaires et les bâtisseuses, d'où son surnom de Château des Dames. Parmi elles, Louise de Lorraine épouse de Henri III dont la chambre, au second étage, porte le deuil de son mari, assassiné en 1589. Une pièce est dédiée aux filles et belles-filles de Catherine de Médicis, La Chambre des cinq Reines (Marie Stuart, Marguerite de France (la reine Margot), Louise de Lorraine, Élisabeth d'Autriche et Élisabeth de France).

A
u lendemain des fastes royaux de la Renaissance, Chenonceau retourna dans le domaine privé au fil de successions multiples et de mutations diverses.
Claude Dupin, fermier général, acheta le château en 1733 au duc de Bourbon. Sa seconde femme, Louise Dupin, y tint salon et y reçut notamment Voltaire, Fontenelle, Marivaux, Montesquieu, Buffon et Rousseau. C'est à Louise Dupin que l'on attribue la différence d'orthographe entre le nom de la ville (Chenonceaux) et celui du château (Chenonceau). Propriétaire du château pendant la Révolution française et grande amie des villageois de Chenonceaux, elle voulut faire un geste pour différencier la Royauté, dont le château était un symbole fort, de la République. Elle aurait ainsi changé l'orthographe de Chenonceaux en supprimant le « x » final. Bien qu'aucune source n'ait véritablement confirmé ce fait, l'orthographe Chenonceau est aujourd'hui majoritairement acceptée pour désigner le château.



Le bâtiment resta dans la famille Dupin jusqu'en mai 1864, date de l'achat du château et de 136 hectares de terres pour 850 000 francs par Marguerite Pelouze, née Wilson, riche héritière qui de 1867 à 1878 en confia la restauration à Félix Roguet; parmi ses grands - et ruineux - travaux figurent le rétablissement dans son état initial de la façade d'entrée modifiée par Catherine de Médicis, la seconde volée de l'escalier, plusieurs cheminées de style Renaissance et la porte de la chapelle, à la sculpture de très grande qualité. (Source : Jean Guillaume, "Chenonceau", numéro h.s 37 de Connaissance des Arts, 2001, p.31) Elle y employa également son amant le fresquiste Charles Toché (Nantes,1851-Paris,1916).




Dans l'été 1879 elle y reçut dans son orchestre de chambre le jeune pianiste Claude Debussy, et en 1886 Toché y organisa pour Jules Grévy, Président de la République de 1879 à 1887, "une fête de nuit sur le Cher, avec reconstitution du Bucentaure entouré de gondoles"; une "Allégorie du Cher" où figure un gondolier (tapisserie dite de Neuilly, XIXème s.) est exposée dans le vestibule du 2ème étage. (source : Paul Morand, "Journal d'un Attaché d'Ambassade, 1916-1917 " Gallimard, 1963, pp. 17 et 18).
Son frère Daniel Wilson (1840-1919), député radical en 1869 et 1871, puis député de Loches (1876-1889) où il acquit un château et une filature, y reçut l'opposition républicaine locale; en octobre 1881 s'y déroula la réception de son mariage avec Alice Grévy. Il fut l'auteur du "trafic des décorations", scandale qui entraîna la démission de son beau-père le 2 novembre 1887. L'année suivante, le domaine est saisi à la demande des créanciers de sa soeur et racheté par le Crédit Foncier.
Le 5 avril 1913, une vente judiciaire par adjudication le fait entrer pour 1 361 660 francs dans le patrimoine d'Henri Menier (1853-1913), homme de la grande bourgeoisie industrielle - une photo le montrant à 'entrée du château figure sur le site Internet consacré par un collectionneur à la chocolaterie Menier - il meurt brutalement en septembre suivant, et son frère Gaston (1854-1934) en hérite. Le château, resté dans sa descendance, est le Monument Historique privé français le plus visité aujourd'hui.



Comme d'autres châtelains français patriotes, Gaston Menier en fit un hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale, où 2 254 soldats blessés furent soignés. Durant la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve à cheval sur la ligne de démarcation avec un côté en zone occupée et l'autre en zone libre. En 1944 une bombe tomba à proximité de la chapelle et détruisit les vitraux d'origine, remplacés ensuite par Max Ingrand.

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